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SciencesPo10juillet - copie

L’Anthropocène est le nom que de nombreux chercheurs en sciences de la Terre, à la suite du Prix Nobel de Chimie Paul Crutzen et du biologiste Eugene Stoermer, ont proposé de donner à la nouvelle époque géologique dans laquelle nous vivons depuis l’ère industrielle. Quoiqu’il reste controversé et conflictuel, le concept d’Anthropocène a aujourd’hui débordé le domaine des sciences de la Terre pour remettre également en cause de nombreux principes fondateurs des sciences sociales, annonçant ainsi l’émergence d’une nouvelle condition humaine.

En tant qu’hypothèse de travail, l’Anthropocène désigne la collision de l’Histoire humaine avec l’Histoire de la Terre, c’est-à-dire le moment où les humains sont devenus les principaux acteurs de changement sur Terre ce qui demande de questionner les paradigmes traditionnels postulant une Histoire humaine mouvementée sur fond d‘une Histoire planétaire relativement stable ; et qui imposent même de les découpler. Cette collision remet en cause de nombreux paradigmes des sciences sociales et des sciences de la Terre, et en particulier les cloisonnements disciplinaires qui les séparaient. Mais l’enjeu de l’Anthropocène pour la science ne peut se résumer à un appel à davantage d’interdisciplinarité, puisque c’est la conception même de la Terre et du Monde, leur représentation et leur gouvernement, qui sont en cause. C’est dès lors l’ensemble des concepts qui ont défini la modernité depuis le 19ème siècle qui s’en trouve bouleversé. C’est le contrat social qui lie nature et politique – les Politiques de la Terre – qui doit être repensé. Telle est l’ambition de ce programme.

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Les limites de la planète aiguisent les tensions entre des groupes d’intérêt, quand bien même ils seraient convaincus du bien-fondé d’une action de sauvegarde collective. Conformément aux prévisions de la théorie des jeux, chacun préfère rejouer à l’échelle de Gaïa la tragédie des biens communs plutôt que de prendre le risque de perdre un avantage relatif au profit de « passagers clandestins ». On peut situer historiquement cette rupture des rapports entre système-Monde et système-Terre dans les deux petites décennies (1990-2010) qui séparent la fin du « court vingtième siècle » de la superposition des grandes crises écologiques, économiques et politiques du début du XXIe siècle (crise des subprimes, 2008 ; échec du sommet de Copenhague 2009; Printemps Arabes, 2011). Mais que savons-nous de la dimension géographique et géo-politque de cette rupture ? Sommes-nous capables de simplement décrire, mesurer et représenter les territoires de l’ère de l’Anthropocène ?

Dans cette première phase du programme, nous proposons de questionner ces Politiques de la Terre au travers de ce que nous avons choisi d’appeler des épreuves. Ces trois épreuves cristallisent à nos yeux la rencontre des grandes questions que soulève l’Anthropocène (en termes d’échelles, de temporalités, de territoires) avec les compétences des différents partenaires du programme : elles visent à questionner comment l’Anthropocène permet d’ébranler les Politiques de la Terre en mêlant de façon nouvelle les questions « sociales » et les questions « naturelles » habituellement séparées en travaillant à chaque fois sur des données rendues comparables

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