Cette publication parue le 17 juillet juillet dans la revue Nature et rédigée par Heng Rao, Luciana C. Schmidt, Julien Bonin et Marc Robert du laboratoire d’électrochimie moléculaire de l’université Paris-Diderot – Sorbonne Paris-Cité démontre comment, sans autre apport d’énergie que la lumière solaire, à pression et température ambiantes, la molécule de dioxyde de carbone (CO2) subit une transformation radicale pour donner du méthane (CH4).
Les scientifiques de l’Université Paris Diderot et l’Université nationale de Cordoue ont développé un système catalytique peu coûteux qui réduit le dioxyde de carbone du méthane à pression et température ambiante. Afin de simuler la lumière du soleil, les chercheurs ont utilisé un simulateur solaire équipé de filtres. “Ces résultats sont le fruit d’un long programme de recherche purement fondamentale, destiné à mieux comprendre les réactions de la chimie qui associent trois évènements élémentaires, transfert d’électron, transfert de proton et coupure de liaison entre des atomes. Cela peut paraître abstrait, mais si on prend la molécule de CO2 par exemple, pour faire du CH4 il faut apporter des électrons, couper les liaisons carbone-oxygène et apporter des protons qui vont venir se fixer sur le carbone d’une part (il en faut 4) et sur les deux atomes d’oxygène pour les aider à partir sous forme de molécules d’eau (H2O) d’autre part (il en faut 4 aussi, 2 par atome d’oxygène). C’est donc exactement ce qu’il se passe dans notre réaction de transformation du dioxyde de carbone en méthane. Quant à la molécule à base de fer qui permet d’aider ce processus complexe à se faire, on l’appelle un catalyseur, il est inspiré de l’hémoglobine qui permet de transporter l’oxygène dans le sang par l’intermédiaire d’une molécule appelé porphyrine, qui contient du fer, et dont la structure est très proche de celle que nous avons synthétisée pour faire notre carburant solaire“explique Marc Robert.
La prochaine étape de cette recherche est de “comprendre comment la deuxième liaison carbone-oxygène est rompue et comment viennent se lier quatre atomes d’hydrogène au carbone” et de réaliser, à plus grande échelle, cette même réaction. En effet, “si la transformation du CO2 peut se faire à l’aide de notre catalyseur, de lumière visible, et dans des conditions très douces de température et pression ambiante, il reste beaucoup à faire pour comprendre le détail et l’enchaînement des étapes élémentaires qui conduisent CO2 à CH4. Un difficile travail nous attend, qui va mobiliser les outils de la spectroscopie et de la chimie théorique aussi. C’est un passage obligé si l’on veut ensuite pouvoir optimiser notre réaction et la faire à plus grande échelle, elle est pour l’instant faîte dans un petit réacteur, à peine la taille d’un verre d’eau. Ce que nous avons réalisé, c’est une preuve de concept en quelque sorte, et cela ouvre des perspectives nouvelles pour transformer CO2 en carburant à l’aide d’énergie renouvelable, ici le soleil”.
Cette dernière avancée scientifique demeure un pas en avant dans l’élaboration d’un circuit de recyclage du CO2. On pense notamment à la réutilisation du CO2 émis par le CH4 consommé dans les moteurs pour faire du carburant, et ce sans qu’une source d’énergie autre que la simple lumière du soleil ne soit nécessaire: “une fois le CO2 transformé en méthane, et bien on dispose d’un carburant gazeux directement utilisable (le méthane constitue par exemple 75% du gaz de ville) pour des applications de chauffage ou de transport. Le CO2 rentre donc dans un cycle vertueux, une économie circulaire : il est transformé en carburant grâce au soleil et au catalyseur à fer, puis le carburant libère du CO2 au cours de sa combustion évidemment et celui-ci est à nouveau transformé en méthane, etc. des perspectives stimulantes pour nourrir l’axe de recherche géopolitique des dioxydes de carbone du programme Politiques de la Terre”.